Comprendre la fiscalité des dividendes en Suisse en 2024
La fiscalité des dividendes en Suisse constitue un sujet essentiel pour les entrepreneurs, investisseurs et dirigeants de PME. En 2024, plusieurs éléments continuent de faire évoluer la manière dont les dividendes sont imposés, tant au niveau fédéral que cantonal. Cette fiscalité, bien que généralement avantageuse par rapport à d’autres pays, reste complexe et sujette à des changements législatifs. Comprendre les règles fiscales applicables aux dividendes permet d’optimiser la structure de rémunération de l’entrepreneur, de maximiser les rendements après impôt et d’assurer la conformité avec la réglementation suisse.
Qu’est-ce qu’un dividende ?
Un dividende est une distribution de bénéfices qu’une entreprise verse à ses actionnaires. Dans le contexte suisse, les dividendes sont le plus souvent versés par des sociétés anonymes (SA) ou des sociétés à responsabilité limitée (SARL) à leurs actionnaires ou associés. Ces distributions peuvent intervenir en nature mais sont généralement effectuées en espèces. Elles sont décidées lors de l’assemblée générale annuelle et doivent respecter certaines conditions juridiques, notamment la présence de bénéfices distribuables et le respect des réserves légales.
Imposition des dividendes pour les personnes physiques
En Suisse, les dividendes reçus par des personnes physiques résidant dans le pays sont imposables. Toutefois, le pays applique un régime dit d’« imposition partielle », introduit pour atténuer les effets de la double imposition économique (imposition sur les bénéfices de l’entreprise puis sur les dividendes versés à l’actionnaire).
En 2024, l’imposition partielle des dividendes suit les modalités suivantes :
- Privés : Pour les participations qualifiées (au moins 10 % du capital) détenues dans la fortune privée, seule une partie du dividende est soumise à l’impôt sur le revenu. À l’échelon fédéral, 70 % du dividende est imposé ; dans certains cantons, ce taux peut atteindre 50 % ou 60 %.
- Commerciales : Pour les participations qualifiées détenues dans la fortune commerciale (par exemple dans une entreprise individuelle), l’imposition partielle atteint généralement 50 % du montant du dividende.
Il est donc crucial de distinguer la manière dont la participation est qualifiée (privée ou commerciale), car cela influence significativement la charge fiscale.
Imposition pour les personnes morales
Les entreprises qui perçoivent des dividendes provenant d’autres sociétés peuvent bénéficier d’un allègement fiscal sous certaines conditions. Il s’agit de la procédure d’exonération des participations (aussi appelée déduction pour participations), qui s’applique lorsque :
- La société détentrice possède au moins 10 % du capital de la société distributrice,
- Ou la valeur de participation atteint au moins 1 million de francs suisses.
Dans ce cas, les dividendes ne sont imposés que de manière partielle, voire pas du tout, selon le niveau de participation. Ce mécanisme vise à limiter les effets de la double imposition au sein des structures de groupes d’entreprises.
Le rôle de l’impôt anticipé
En Suisse, les dividendes sont en principe soumis à un impôt anticipé de 35 %, prélevé à la source par la société distributrice. Ce dispositif vise à garantir le respect des obligations fiscales. Toutefois, les résidents suisses peuvent généralement récupérer cet impôt, en totalité pour les personnes physiques déclarant correctement le revenu dans leur déclaration fiscale.
Pour les personnes morales, le remboursement intégral est également possible, à conditions que les dividendes aient été correctement déclarés. Concernant les actionnaires étrangers, le montant récupérable dépend du pays de résidence et des conventions de double imposition (CDI) signées avec la Suisse.
Optimisation de la rémunération : salaire vs dividendes
Les entrepreneurs peuvent se rémunérer soit par un salaire, soit via des dividendes, ou encore par une combinaison des deux. Chaque méthode présente des avantages et des inconvénients, notamment en termes de fiscalité et de charges sociales. En Suisse, les dividendes ne sont pas assujettis aux cotisations AVS — ce qui peut sembler avantageux — mais une part de salaire reste nécessaire pour s’assurer une couverture sociale minimale.
Les spécialistes recommandent souvent un arbitrage judicieux, notamment :
- Verser un salaire raisonnable pour valider les pleines prestations sociales (AVS/AI/APG/prévoyance),
- Distribuer ensuite les bénéfices restants sous forme de dividendes, pour profiter de l’imposition partielle.
Une planification fiscale individualisée est essentielle pour bénéficier d’une optimisation cohérente selon le statut de l’entrepreneur, la taille de l’entreprise et la localisation cantonale.
Différences cantonales à prendre en compte
La fiscalité en Suisse repose sur un système fédéral, où chaque canton dispose d’une certaine autonomie en matière d’impôt sur le revenu. Cela implique que l’imposition des dividendes peut varier sensiblement d’un canton à l’autre. À Genève, Vaud, Zurich ou Zoug, par exemple, les taux d’imposition et les méthodes de calcul des réductions fiscales sur les dividendes peuvent différer.
Ainsi, un entrepreneur domicilié à Zoug pourrait bénéficier d’une charge fiscale significativement plus faible qu’un entrepreneur domicilié à Lausanne, pour une même distribution de dividendes. Ces différences doivent être intégrées dans toute stratégie de gestion de patrimoine ou de création d’entreprise.
Dividendes exceptionnels et réorganisation d’entreprise
En 2024, les autorités fiscales veillent avec attention sur les cas de dividendes dits « exceptionnels », notamment ceux versés après des réorganisations telles que fusions, scissions ou apports de capital. Dans ces cas, si les distributions ne répondent pas à certaines conditions, elles peuvent être requalifiées comme des revenus imposables ordinaires ou comme des reventes d’actions, entraînant des conséquences fiscales importantes.
Il est donc fortement conseillé aux entrepreneurs de consulter un fiscaliste avant toute opération stratégique impliquant des dividendes, notamment en cas de structuration d’un groupe ou de transmission d’entreprise.
Actions au porteur et transparence fiscale
Les règles de transparence ont été renforcées ces dernières années en Suisse. Depuis quelques années, les actions au porteur ne sont plus admises, sauf cas très spécifique. Cette évolution vise à prévenir l’évasion fiscale et à répondre aux standards internationaux de transparence. Dans cette optique, tous les bénéficiaires de dividendes doivent être identifiés et déclarés.
En parallèle, les administrations fiscales cantonales intensifient les contrôles sur les structures sociétaires opaques et les distributions non déclarées. Le respect scrupuleux des obligations déclaratives est donc devenu un impératif tant pour les PME que pour les holdings.
Les tendances à surveiller en 2024
En 2024, plusieurs tendances réglementaires méritent l’attention des entrepreneurs :
- Des discussions sont en cours sur une réforme du système de l’imposition partielle, notamment pour harmoniser les taux entre les cantons.
- La pression internationale en faveur de la transparence continue d’encourager la Suisse à ajuster son régime fiscal pour les dividendes vers les non-résidents.
- La digitalisation de l’administration fiscale accroît les contrôles automatisés, notamment sur les écarts entre bénéfices comptables et distributions déclarées.
Face à ces évolutions, il est recommandé aux dirigeants d’entreprise de réviser régulièrement leur politique de distribution de dividendes avec leurs conseillers fiscaux. Une stratégie de distribution bien pensée peut permettre d’optimiser les rendements tout en respectant les exigences prudentielles – de plus en plus vigilantes – des autorités fiscales suisses.
